Section : Conditionnement par une algèbre
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Définition:

Soient $ X$ une v.a.r. et $ \cal F$ l'algèbre engendrée par une partition $ \cal P$ de $ \Omega $ . On appellera espérance (conditionnelle) de $ X$ quand $ \cal F$ la variable aléatoire notée $ \textbf{E}[X\vert \cal F]$ définie par
$\displaystyle \textbf{E}[X\vert {\cal F}]=\sum_{B\in \cal P}\textbf{E}[X\vert B]1_B$
On notera que $ \textbf {E}[X\vert{\cal F}(Z)]$ est égale à la v.a. $ \textbf {E}[X\vert Z]$ introduite en 2.2.1. Voici maintenant les propriétés les plus importantes de l'espérance conditionnelle.
  1. Linéarite et positivité Appelons $ \cal V$ l'espace vectoriel (de dimension $ \vert\Omega\vert$) des variables aléatoires réelles; $ X\mapsto \textbf{E}[X\vert \cal F]$ definit alors une application linéaire et positive de $ \cal V$ dans le sous espace (de dimension $ \vert\cal P\vert$) formé par les v.a.r. $ \cal F$-mesurables .
  2. Inegalité de convexité Soit $ u : {\mathbb{R}}\mapsto {\mathbb{R}}$ une application convexe ; on a l'inégalité
    $\displaystyle \textbf{E}[u(X)\vert {\cal F}]\geq u(\textbf{E}[X\vert {\cal F}])$ (2.16)

    En particulier ,
    $\displaystyle \textbf{E}[\vert X\vert \vert {\cal F} ]\geq \vert \textbf{E}[X\vert \cal F]\vert$ (2.17)

    $\displaystyle \textbf{E}[X^2\vert {\cal F}]\geq \textbf{E}[X\vert {\cal F}]^2 .$ (2.18)

    Démonstration Soit $ B\in \cal P$ . La variable aléatoire figurant au premier membre de ([*]) est égale sur $ B$ à $ \textbf{E}[u(X)\vert B]$ et le second membre à $ u(\textbf{E}[X\vert B])$ ; on termine la démonstration en appliquant l'inégalité de convexité à la probabilité $ \textbf{P}_B$ introduite en 2.1
  3. Une caractérisation fondamentale: $ \textbf{E}[X\vert \cal F]$ est l'unique v.a.r. vérifiant les 2 propriétés suivantes :
    a) $ Y$ est $ \cal F$-mesurable b) $ \forall F\in {\cal F} , \;\; \textbf{E}[X1_F]=\textbf{E}[Y1_F]$
    Laissant au lecteur le soin de démontrer la partie directe, nous nous bornerons à montrer qu'une v.a.r. $ Y$ satisfaisant aux points a) et b) est nécessairement égale a $ \textbf{E}[X\vert \cal F]$
    En vertu de a), il existe une famille de scalaires $ (c_A ; A\in \cal P)$ telle que $ Y=\sum_{A\in {\cal P}}c_A1_A$ ; l'égalité b) , applquée à un événement $ B$ de $ \cal P$ permet de calculer $ c_B$ ; on a en effet : $ \textbf{E}[Y1_B]=c_B\textbf{P}B$ ce qui entraine $ c_B=\textbf{E}[X\vert B]$ ; c'est le résultat cherché .
    Remarque: On peut remplacer b) par
    b') : $ \forall Z \;\;\;\cal F-$ mesurable, $ \textbf{E}[XZ]=\textbf{E}[YZ]$ ;
    (on utilise simplement le fait que $ Z$ est une combinaison linéaire d'indicateurs d'atomes et la linéarite de l'espérance .)
  4. Conditionnements successifs : Soient $ \cal F$ et $ \cal G$ deux algèbres avec $ {\cal F}\supset \cal G$ ; on a alors,
    quelquesoit la v.a.r. $ X$ ,
    $\displaystyle \textbf{E}[X\vert {\cal F}\vert {\cal G}]=\textbf{E}[X\vert {\cal G}]\;\;\; ; \;\;\;\;\textbf{E}[\textbf{E}[X\vert {\cal F}]]=\textbf{E}[X]$ (2.19)

    Il nous suffira de montrer la première égalité ; les premiers et second membres de celle-ci , que nous appellerons respectivement $ U\, \mathrm{et}\, V$ étant $ \cal G$-mesurables, tout revient à montrer les égalités

    $\displaystyle \textbf{E}[U1_G]=\textbf{E}[V1_G]\;\;\;\forall G \in \cal G.$
    Mais $ \textbf{E}[U1_G]=\textbf{E}[\textbf{E}[X\vert {\cal F} ]1_G]=\textbf{E}[X1_G]$ , la deuxième égalite venant du fait que $ G\in \cal F$ . Retenons une conséquence pratique de ce résultat : avec les notations de 2.3.1. , on a par exemple
    $\displaystyle \textbf {E}[X\vert Z_{1},Z_{2},\ldots ,Z_{N}\vert Z_{1}, Z_{2}]=\textbf {E}[X\vert Z_{1} , Z_{2}]$
  5. Si $ Y$ est $ \cal F$-mesurable , $ \textbf{E}[Y\vert {\cal F}]=Y$ ; plus généralement, quelquesoit la v.a.r $ X$,
    $\displaystyle \textbf{E}[XY\vert {\cal F}]=Y\textbf{E}[X\vert {\cal F}] .$ (2.20)

    Démonstration : Désignant par $ U et V$ les deux membres de (10) , nous avons à montrer que
    $\displaystyle \textbf{E}[U1_B]=\textbf{E}[V1_B]\;\;\forall B\in \cal F .$
    Vous laissant calculer le premier membre, notons que $ \textbf{E}[V1_B]=\textbf{E}[(Y1_B)\textbf{E}[X\vert {\cal F}]]=\textbf{E}[XY1_B]$ en vertu de 3.b') .
    Voici maintenant une généralisation souvent utilisée de l'égalité ([*]) . Les hypothèses sont les suivantes : $ X$ et $ Y$ sont deux v.a. à valeurs respectives dans $ E$ et $ F$ , u est une fontion numérique sur $ E\times F$ ; on suppose $ Y \;\;\cal F$-mesurable ; si l'on pose $ H(\omega ,y)=\textbf{E}[f(X,y)\vert {\cal F}](\omega )$ on a :
    $\displaystyle \textbf{E}[f(X,Y)\vert {\cal F}](\omega )=H(\omega ,Y(\omega))$ (2.21)

    Démonstration : Montrons tout d'abord que la v.a. figurant au second membre de ([*]) , (que nous noterons suivant l'usage des probabilistes , $ H(.,Y)$) est $ \cal F$-mesurable ; choisissons pour cela un atome $ B$ de $ \cal F$, désignons par $ y$ et par $ c$ les valeurs (constantes) prises respectivement par $ Y \mathrm{et} \;\textbf{E}[f(X,y)\vert {\cal F}]$ sur $ B$ ;on voit, en regardant sa définition, que $ H(.,Y)$ est égale à la constante $ c$ sur $ B$ ; elle est donc $ \cal F$-mesurable ; en outre , on peut écrire:
    $\displaystyle \textbf{E}[1_BH(.,Y)]=\textbf{E}[1_BH(.,y)]=\textbf{E}[1_B\textbf{E}[f(X,y)\vert {\cal F} ]]=\textbf{E}[1_Bf(X,y)]=\textbf{E}[1_Bf(X,Y)] ,$
    ce qui montre l'égalité ([*]) .
  6. Si $ X$ est indépendante de $ \cal F$ , la variable aléatoire $ \textbf{E}[X\vert \cal F]$ se réduit à une constante ; plus précisement:
    $\displaystyle \textbf{E}[X\vert {\cal F}]=\textbf{E}[X]$ (2.22)

    Dans ce cas , la formule ([*]) se simplifie ainsi : si l'on pose $ h(y)=\textbf{E}[f(X,y)]$ , on a, en appliquant ([*]) et ([*]),
    $\displaystyle \textbf{E}[f(X,Y)\vert {\cal F}]=h(Y)$ (2.23)



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Jacques Azéma